1991
Personnages | 3 hommes, 4 femmes et une petite figuration. |
Lieu | Atrium, lieux urbains, hall, piste de cirque, un rivage. |
Durée de jeu | 1h30 |
Argument | » Le Don J. » est un enchaînement de cinq variations sur le thème de Don Juan, projeté dans un univers futuriste – ou contemporain. Il s’agit toujours des tribulations du fameux trio masculin : Don Juan – Sganarelle – Le Commandeur. Les dernières avant la République des femmes? |
« Le Don J. » a été créé par Jacques Bioulès au Théâtre du Hangar (Montpellier) en 2008 et édité la même année aux éditions espaces 34 (Hérault).
Articles de presse
LA TRAVERSÉE D’UN MYTHE
Après la publication d’un roman intitulé Les amants de Bagdad aux éditions Verticale, l’auteur de théâtre montpelliérain Jean Reinert vient d’éditer Don Juan aux éditions Espaces 34. La pièce écrite il y a seize ans demeure d’actualité et Jacques Bioulès, qui en a réalisé l’adaptation, l’a récemment portée sur les planches du Théâtre du Hangar. Alors, comme il se doit, au texte est venu s’adjoindre le regard d’un homme de théâtre. Et à l’étonnante production de huit comédiens qui a permis l’aboutissement de ce projet, d’autres mains sont venues assembler leurs talents.
Si d’emblée, les comédiens se présentent sourires aux lèvres, c’est pour choisir des costumes. Des vêtements qui devraient les projeter dans une autre époque mais qui viennent contrairement signifier au public que ce sont les mythes qui traversent les âges ! Car le récit se fait en trois temps : celui des questions posées par la société contemporaine, à savoir le don d’organe ou l’écologie pour ne citer qu’elles, un second temps est aux prises avec l’histoire, et le troisième avec le mythe. Puis, la mise en scène met en exergue l’écriture théâtrale, picturale, comme autant de pistes de lecture. La quasi-totalité de la pièce est commentée par le geste adroit et tendre de Vincent Bioulès, fondateur du mouvement Supports/Surfaces, dont les dessins filmés au cours de leur réalisation sont projetés en arrière plan. D’un abord figuratif, ce relief donne à l’ensemble une approche à la fois légère et dense. Depuis Molière qui en a fixé la trace dans l’histoire et nos mémoires, Don Juan n’a plus quitté le temps. Il voyage. Et l’auteur nous le rappelle ici : « peu agréable aux femmes, il plaît parce qu’il demeure cette part libre de nous même. »
Voilà un Don Juan bien plus joueur que séducteur, qui jubile, qui ne veut pas entrer dans le système. Il le dit lui-même : « je joue le monde » et c’est dans cette voie qu’il devient cohérent. Ce refus de fonctionner dans le monde le conduit à sa compréhension. Ce Don Juan là ne combat plus la morale ni l’église. Il lutte contre la société, celle du rendement, de l’efficacité, de la médiatisation et du profit. Et pour conclure, si « la vivacité du texte est parfois d’un abord difficile », il va de soi qu’il s’agit là d’une oeuvre qui donne « à penser », ce qui a conduit certains à la revoir. Un criminel ne revient-il pas toujours sur les lieux de son crime ? Il faut dire que la politique du théâtre, qui invite son public une seconde fois gratuitement, ne peut que pousser à la tentation.
Christelle Zamora – Rue du Théâtre, février 2008.
LE BEAU JOUEUR
Quoi de neuf sur Don Juan ? Tout. Comme Œdipe, c’est un mythe qui s’éternise. Jean Reinert le prouve sans mal : Don Juan est bien vivant de nos jours, même si cela ne fait pas de lui une figure moderne. Au contraire.
Dans une pièce de théâtre pétillante, jouée à partir du 26 février au Théâtre du Hangar et mise en scène par Jacques Bioulès, l’auteur de théâtre montpelliérain réexamine le mythe sous l’angle de la modernité.
La forme choisie s’éloigne le plus possible du texte patrimonial de Molière : la pièce est une succession de flashes théâtraux hors de toute narration qui forment un tout assez impressionniste. Une scène a lieu dans un studio de publicité. La musique est électroacoustique. Un clown blanc et un Auguste s’en mêlent. Le Commandeur est un oligarque qui possède dix banques, cent hélicoptères et cent mille hectares de terre… et des journaux exposant complaisamment ses amours. « Chaque semaine de l’année : une nouvelle couverture pour l’un de ses hebdomadaires. » Sa dernière conquête s’appelle Ombrella mais toute ressemblance avec une première dame existante serait purement forfuite.
Sganarelle, le fameux valet, est aussi dans l’air du temps : « Je suis heureux de ce que j’ai mais malheureux de ce que je n’ai pas. » Avec le Commandeur, ils forment une paire tout à fait assortie au désenchantement et au furieux matérialisme modernes. -« Dieu a changé de nom, c’est tout… » dit le Commandeur. – »Quel est son nouveau nom ? » interroge Don Juan. – »L’efficacité. » Donc, le vice a changé de camp. Don Juan, heureusement pour lui, pour nous, est profondément inadaptable. « Vous voulez provoquer son ricanement ? Ce n’est pas difficile, vous dites assurance vie. » Se désole Sganarelle. Jean Reinert en a fait une figure de la décroissance, un résistant poétique à l’obscurantisme contemporain, tout ce qu’on veut… On sent qu’une partie de nous-même peut être sauvée avec lui.
Valérie Hernandez (La Gazette n° 1027, février 2008)