1998
Personnages | Pour 12 jeunes actrices et acteurs. |
Lieu | La Tour de Constance, sise à Aigues-Mortes (30-France). |
Durée de jeu | 1h15 |
Argument | « L’ascension de la Tour de Constance » est un itinéraire métaphorique en douze stations transcendant le temps (passé, présent et avenir). Il s’inspire de l’architecture et de la charge symbolique du lieu, qui en font aussi bien une prison qu’un refuge. C’est également une fantaisie en douze scènes qui multiplie les jeux. |
Cette pièce est une commande DRAC/Monum/Conservatoire de Montpellier (1998). Elle est publiée par les éditions « espaces 34 » (Montpellier, 2008). Elle a été jouée à Aigues-Mortes dans une mise en scène de Michel Touraille en juin 1998.
Note de lecture
(…) La tour, cadre de création de la pièce, s’impose avec force comme élément principal de la narration, une sorte d’épine dorsale de l’œuvre. Au cours des temps, d’un Moyen Âge réinventé à un futur effrayant, Jean Reinert nous présente différents groupes de personnages qui témoignent de sa profonde dualité : avec la même inviolabilité elle s’érige en prison ou en refuge. Elle enferme ou protège des amants de tous les siècles, des prisonnières fragiles, les animaux d’une nouvelle arche de Noé, des jeunes gens dont le destin (ont-ils contracté une maladie foudroyante ou non ?) est soudé. En plus de l’émotion que proposent certaines de ces douze scènes, la pièce présente également une réflexion intéressante sur la poursuite du passé dans le présent, ainsi qu’une habile mise en abîme du théâtre et de sa représentation par l’ambivalente identité des personnages comédiens.
Bulletin critique du livre en français (BCLF) 604, janvier 1999
Une page de texte
Fragment 1
Station 2
Deux amants.
– Qu’as-tu ?
– J’ai la fièvre…
– Viens, sortons…
– Non, restons dans la Tour. Au moins, ici, il y a un peu de fraîcheur…
– Elle va fermer…
– Justement, laissons-nous enfermer…
– Enfermer ? Tu veux passer la nuit ici ?
– Oui, je veux passer la nuit ici, avec toi…
– Tu es toute chaude…
– Mon corps est enfiévré du tien.
– Oh… tu me dis cela… Maintenant !
– Oui ! Maintenant !
– Partons chercher un lieu, un lit, un nid…
– Chercher ! Pourquoi chercher ? Mais non ! Restons ici…
– Tu es folle….
– De quoi as-tu peur ? De la nuit ? Regarde, nous aurons toutes les étoiles…
– Tu es folle !
– Tout le ciel pour nous, nos corps ruisselants d’étoiles.
– Est-ce toi ou ta folie que j’aime ?
– Oh non, ne crains pas la nuit. Ne crains pas la pierre non plus.
– Moi qui rêve d’étoffe, de monceaux d’étoffe : velours, taffetas, plumes, brocards…
– Plus tard, plus tard, mais à présent, là, ne crains pas la pierre, je te ferai coussin de mes hanches, collier de mes bras.
– … Je ne crains plus la pierre, ni la nuit. Mais notre étreinte, pourquoi, ici, sur la Tour. Pourquoi ici ? Pourquoi pas là-bas, là-bas dans les dunes ?
– Ne sortons pas de la Tour ! Nous sommes en danger si nous sortons !
– Qu’est-ce que tu racontes ?
– La mort rôde dans la ville… Des hommes me cherchent, le regard aigu, la gueule noire d’une arme cachée sous un pli de vêtement…
– Ah !
– Tu ne me crois pas, tant mieux. Pourtant, ils sont en chasse… ils me cherchent dans la ville, ils me tueront… Et toi aussi, ils te tueront.
– Je te ferai un rempart de mon corps.
– Oui.
– Et tu me serreras dans tes bras quand je mourrai.
– Je mourrai avec toi.
– Laisse-moi t’embrasser maintenant…
– Tu ne crains plus d’être dérangé par les visiteurs ?
– Il n’en viendra plus à cette heure… A part… à part ces hommes dont tu parles… peut-être… Ici, c’est le dernier endroit où ils viendront ! Où ils me chercheront !… Embrasse-moi encore… Ainsi tes mains sur moi… Ecoute ! C’est la porte, en bas, que l’on verrouille ! … A présent, nous sommes prisonniers, nous sommes seuls. Nous avons toute la nuit pour nous, toutes les étoiles de la nuit… toute la chaleur de la nuit, l’immense caresse de la nuit, oui, tes mains sur moi, ainsi. Enivrons-nous de la chaleur de la nuit, enivre-moi de tes caresses, de tes lèvres, la mort peut attendre, ces hommes en chasse, leur regard aigu, la gueule noire de leur arme, le cancer à l’horizon, ou bien cette lueur violette dans le ciel qui, peut-être, annonce la fin… plus tard, plus tard, puisque tes mains sur moi m’habillent de lumière, de fièvre, d’impatience, tes mains, tes lèvres me font resplendir de vie, oh ! qu’elle rôde, la mort, qu’elle rôde tout autour, nous, nous sommes si vivants, si vivants, si vivants…
Fragment 2
Station 3
La prisonnière.
Mes compagnes dorment à présent et je suis enfin seule avec Toi, ô mon Dieu ! L’une d’elles geint doucement mais c’est comme un bruit de nature, comme le bruissement des souris à l’aventure dans nos paillasses ou le murmure du vent dans la meurtrière…
La nuit dernière, il a neigé et ce matin nous avons été autorisées à monter sur la terrasse. Ce fut un éblouissement, mes pauvres yeux ne peuvent supporter une telle lumière. C’est comme si j’avais pu fixer un bref instant Ta face lumineuse et que le prix de ce ravissement fut mon regard brûlé. Mais qu’est-ce que ma souffrance auprès de la Tienne, qu’est-ce que mon amour auprès du Tien ? Depuis vingt ans que je suis enfermée dans la Tour, j’ai appris que ma prison n’était pas cette muraille mais mon pauvre corps soumis à toutes les vicissitudes. Le froid, la faim, d’abord mes ennemis… j’en ai fait des alliés sur ce chemin vers Toi. Car ce sont les ruptures d’avec le monde qui me donnent accès à Toi.
Oh ! Il est rude, inhumain ce périple ! Depuis l’enfant qu’ils traînèrent jusqu’ici pour qu’elle abjure sa foi… Je croyais alors avoir, comme les martyres antiques, mérité de Toi. Ô combien, malgré cette foi naïve, j’étais encore éloignée de Ta demeure. Il fallut la misère des jours, répétée sans limite, pour que se révèle peu à peu le Chemin. Pour que j’apprenne que cette Tour n’est pas une prison, mais un vaisseau de pierre qui me conduit vers Toi.
Oui, il est rude, inhumain, ce périple. Mais y a-t-il bonheur plus ineffable que quand Ton Amour m’envahit et que mon âme, mon être, se confondent avec Toi ? Que je suis toute en Toi, laissant loin derrière, comme des reliques, les rudes attributs du vivant : corps, douleurs et terreurs ? Oh, qu’il me conduise plus loin, ce vaisseau de pierre, plus loin et sans retour, vers Ta demeure !
Fragment 3
Station 11
1 Noé, l’Ange.
Noé Qui es-tu, toi ? Je ne te connais pas et tu viens me réveiller chez moi !
L’Ange Je ne te réveille pas puisque tu dors toujours. Je profite de ton sommeil pour communiquer avec toi. Je suis l’Ange.
Noé Bon ! Qu’est-ce que tu as à me dire ?
L’Ange C’est à propos de la catastrophe qui s’abat sur le genre humain…
Noé Les radiations ? Oui, c’est bien embêtant. Mais c’est de l’autre côté de la mer qu’elles font leur ravage, elles ne peuvent pas traverser, moi non plus, du reste, je ne sais pas nager, alors, chacun sur son bord et c’est mieux comme ça !
L’Ange Parce que tu crois ce qu’on dit dans les communiqués, que les radiations ne vont pas traverser la mer… Mais tu rêves ! Elles sont déjà à mi-chemin!
Noé Quoi ! Moi, le premier magistrat de la ville, je ne suis pas informé de l’imminence du danger ! Mais je vais faire sonner l’alerte illico ! Et mettre en garde mes administrés !
L’Ange C’est à peu près l’attitude la plus imbécile à adopter. Pourquoi cette fable sur la mer infranchissable aux radiations ? Parce qu’il n’y a aucun moyen de se protéger contre elles. Sauf à s’enterrer sous cinq mètres de terre ou à fabriquer un blindage de cinquante centimètres d’acier.
Noé Bravo, l’Ange ! Tu viens perturber mon sommeil pour m’annoncer cela !
L’Ange Dans son immense bonté, Dieu a décidé de préserver une paire d’humains de l’anéantissement. Toi et ta femme, vous êtes les heureux élus.
Noé Moi ? Pourquoi moi ?… Bien sûr que dans un sens, c’est bien moi le plus élu de cette ville…
L’Ange Tu n’es ni pire, ni meilleur qu’un autre mais dans ta ville, tu disposes d’un lieu pour te protéger…
Noé Un lieu pour me protéger ? A cinq mètres sous terre ? Mais ici, à cinq mètres sous terre, on est dans l’eau jusqu’aux oreilles !
L’Ange Cherche, Noé, cherche…
Noé La Tour ! Bon Dieu, oui ! La Tour ! Cinq mètres de muraille !
L’Ange Tu vois ce qu’il te reste à faire, n’est-ce pas ? Tu vas entreposer pour toi et ta jeune épouse tout ce que tu peux avoir comme comestibles, de quoi tenir quarante jours et quarante nuits. Et de même pour tous les animaux que tu pourras faire entrer dans la Tour d’ici la nuit prochaine. Ainsi, tu préserveras leur espèce de la disparition.
Noé Tout ça avant la nuit prochaine ?
L’Ange Oui, après il sera trop tard.
Noé Alors on fera avec le temps qu’il reste. Quand je prends une affaire en main, je peux te dire qu’elle est rondement menée : c’est pourquoi ce choix sur moi est un bon choix. Dieu sait ce qu’il fait !
2 La conférence des animaux.
1er animal Nous, bêtes de poil, de plume, de peau et de corne, avons été tous ici assemblés, astreints, confinés et incarcérés par la volonté d’un seul : l’Homme.
Que s’est-il donc passé pour qu’avec tant de hâte tous ainsi il nous presse ? Nous ne savons, n’en pouvons mais.
Mais :
Le soleil nous est ôté, l’espace prohibé, l’air, ravi.
Nous, si dissemblables par la taille, la forme, la corpulence, l’odeur, la saveur, le goût et le besoin, nous qui n’avons été dotés entre nous que d’une seule ressemblance : nos deux yeux, hé bien ! ces deux yeux, nos deux yeux, nous les avons maintenant pour pleurer !
Lamentation des animaux :
Les animaux Olos ! Olos ! Ces deux yeux, nos deux yeux, nous les avons maintenant pour pleurer !
A qui la faute ? A qui ? Qui nous a réduit à ce trou ? C’est Lui, le Dénaturé, l’Abominable, l’Exécrable, le Funeste, le Sinistre, le Détestable, le Déplorable, le Dangereux, le Désastreux, le Pernicieux, le Malfaisant, le Néfaste, le Nuisible, l’Imprévisible, l’Imposteur, le Prédateur, le Perturbateur, le Dévastateur, le Déviant, le Mutant, le Sodomite, le Méphitique, le Méphistophélique, le Calamiteux, l’Ignominieux, l’Ignoble, l’Infâme, l’Infernal, le Satanique, le Catastrophique, le Chimérique, le Violent, le Brutal, le Vertical, le Périlleux, le Pédipède, l’Omnipotent, l’Omniscient, l’Omnivore, le Zoophage, le Nécrophage, le Coprolige, le Raymond-la-science, l’Infatué, le Fatueur, le Hautain, le Vilain, le Sacripant, l’Inconséquent, le Misérable, le Sidéral, le Fatal, le Final : l’Homme.
Quand fut fait ce méfait ? Comment savoir puisque, derrière ces murs, Jour égale Nuit et Temps n’a plus de mesure.
Où ? Dans la Tour de Constance : le rez-de-chaussée pour nous tous, onze cent mille huit cent trente quatre représentants du règne animal, lui se réservant avec sa femelle tout le premier étage.
Comment ? Dans le désordre, le dénuement, le contingentement, la précarité et la promiscuité. Le petit devant côtoyer le grand; le maigre, le gros; le gras, l’osseux; le mou, le coriace; le blême, le coloré; le glabre, l’épineux; le poilu, l’emplumé; le pointu, le rondouillard; l’agile, le lourdaud; le traînant, le véloce; le paisible, le féroce; le silencieux, le bruyant; le sifflant, le ruminant; le rampant, le bondissant; l’ombrageux, l’exubérant; le sauvage, le domestique; l’arboricole, le pélagique; le rupestre, le sylvestre; le diurne, le nocturne; le multifage, l’unicodaque; l’isolé, le nombreux.
Olos ! Et en place de soleil, ce trou noir, là-haut.
Ce trou, là-haut, d’où nous tombe notre mangeaille, trou-sphinctère de cul de basse fosse.
Tombe pêle-mêle notre mangeaille, mêli mêlant le nourrissant avec le répugnant, le savoureux avec le venimeux.
Oh, quand chacun doit démêler le sien de l’autre ! Oh cris, grognements, couinements, sifflements, jappements, persiflages, grimaces, menaces, bourrades, empoignades, bousculades, estrapades, cohue, tohu-bohu, pagaïe, charivari, altercations, dissipations, gueulements, feulements, hurlements, gabegie, anarchie, hourvari, discorde, rixes et risques sur nos vies. Olos !
1er animal
Oh ce désordre, Grand Désordre qui nous atteint ici, n’est que reflet, ressemblance et conséquence d’un désordre plus vaste : celui que l’Homme a mis au Monde.
De celui-ci, qu’il s’en débrouille !
Nous, notre devoir, seul, unique mais impératif ! notre devoir est de survivre. Aussi assurons cette vie, plus sûrement vivons, survivons et pour ce, arrangeons cet espace. Oui, cet espace, ce lieu nôtre et sans change, à défaut du Mieux-monde faisons-en un Lieu-monde. Rangeons-le ! Arrangeons-le ! Agençons-le ! Poliçons-le ! Enfin : Ordonnons-le ! Faisons au chaos succéder l’harmonie, la règle à l’anarchie et l’accord au discord…
Voici !
Cette voûte de pierre sera notre ciel et ce trou noir, là-haut, notre soleil ! Nous réglerons le temps sur son zénith : c’est quand il laisse s’échapper la manne qui nous nourrit. Et celle-ci, avant d’y mettre langue, dent, bec ou mandibule, nous la démêlerons, trierons, répartirons. Notre mouvement aussi, nous l’harmoniserons : à la semblance de notre globe, nous tournerons dans cette rotonde, les plus lents vers le centre, les plus rapides sur l’extérieur, chacun à sa vitesse et tous dans le même sens.
Ainsi les jours succéderont aux jours et nous durerons. Durerons, durerons.
Et quand le Monde et l’Homme videront leur querelle, quand Nature retrouvant sa superbe remettra l’hominien à sa juste mesure, alors nous serons prêts. Prêts. A nouveau l’habiter ! A nouveau prospérer !
Révolte des animaux :
Les animaux A nouveau l’habiter ! A nouveau prospérer !…
Mais l’Homme ?… Encore ? Dans l’herbe bleuissant, le soleil reluisant, le ruisseau zézayant, l’arbre feuillissant, l’Homme ? L’Homme toujours ?
Oh ! Non ! Plus l’Homme ! Fini l’Homme !
L’Homme a joué tous les rôles ! L’Homme a fini !
Plus l’Homme ! Achevé, l’Homme ! Sinon achevé, nous, réglons son compte à l’Homme ! Réglons son compte à l’Homme !
Silence. Scandé :
Lors de sa prochaine visite ! Nous tous ! Dans le même temps, même mouvement ! Lui tombant dessus : l’occissons !
Nous, brutes ! Bêtes brutes ! Tel Brutus, l’occissons ! Tel Brutus aux Ides l’idole a occis ! Conjurés complotants, conspirateurs aux Ides ! Tous ensemble plongeant leur couteau dans le coeur du César ! Une forêt de couteaux dans le coeur du César ! Nous tous : Brutus ! Idem aux Ides ! Avec dent, griffe, corne, sabot ! Avec dard, aiguille, crochet, venin ! Avec défense et mâchoire, pince et boutoir! Achevons l’Homme !
Silence. Mezzo voce puis crecendo :
Le tuons tuons tuons, le massacrons, le pourfendons, le démembrons, l’écrasons, l’écrabouillons, le bousillons, l’éclatons, l’explosons, le pulvérisons, l’anéantissons, le ratatinons, l’aplatissons, l’abolissons, l’annulons, l’annihilons, l’amoindrissons encore et encore, le réduisons à plus petit, à moins, à rien ! A moins que rien, à rien du tout ! A Ni-Han ! Ni-Han ! Ni-Han !
Silence.
Le chat à son perchoir :
Le chat Objection ! Objection, objection ! Instante objurgation !
Les animaux Aïe ! Miaulante la goualante qui nous égratigne l’ouïe ! C’est le greffier, le mistigri, le griffu, le m’as-tu-vu matou minaudant mignard, qui a l’art de faire chez son maître son lard ! Ron-ron minou, menu minou sur les genoux ! Gâteux maître fait gâteries, gati gato au chat minou menu qui fait le beau et se lèche le cul. Lèche frite, lèche cul ! De domini doux minou ! De l’homo, collabo ! De l’homo, collabo !
Déguerpis gratis, gati gato, domini, domino, avant qu’on t’équarrisse !
Le chat Mini minute, menus amis ! C’est en votr’ intérêt ! Et le mien, c’est tout un ! Aussi, roulez vos oreilles en cornet et glanez-y le suc de ce mien dit.
Primo : l’éthique ! Avant que nous envoyions l’Homme, omnis hominis, par voie de fait et de conséquence, dans la poubelle, rebut, déchet et déjection de l’évolution, assurons-nous concomitamment qu’il est manifestement néfaste, nuisible incontestablement et malfaisant absolument.
Or ! Ne peut pas être totalement mauvais celui-ci qui, ingénieusement, méticuleusement, minutieusement, patiemment, consciencieusement et vertueusement innova, imagina, conçut et fabriqua le chauffage. Le chauffage à demeure, rayonnant, accumulant, soufflant le chaud, aspirant le froid, le chauffage, quoi ! Le chauffage centralisant !
Les animaux Oh le galimatieux chafouin ! Qui nous griffe à la gueule de son verbiage insane ! L’inepte babillard ! Le jaseur ! Le phraseur ! L’horripilant hâbleur ! Estourbissons-le, saignons-le, écorchons-le, marouflons-le, parcheminons-le et sur sa peau, sa couenne, son pelage, sa pelade, inscrivons la nôtre haine ! Haine, haine, haine ! Haine de l’Homme et du chat !
Le chat Hi hi hi, hébétés bestards que vous êtes, avant de me faire la peau, écoutez donc mon secundo.
Secundo : la pratique ! Si vous zigouillez l’Homme avant qu’il nous ouvre la porte, grosse porte, gros lourd portail, épais vantail, épais blindage et sur l’huis clos, serrure close ! Comment nous, décamperons-nous ? Dehors, l’herbe bleuit, le soleil reluit, le ruisseau rit et l’arbre feuillit, oh ! Nature ! Resplendis ! Nature la Belle ! La Mère nôtre ! Maman, Mama ! Mamelue, lactescente et melliflue ! Oui, lait et miel coulent de tes mamelles et nous, dans ce trou, crevons-nous ! Crevons, crevons-nous ! Avec, pouah ! avec nous la dépouille, arfff ! le répugnant cadavre, là, avec nous, puant, putride, pourrissant, putréfiant, l’infect et abject cadavre de l’Homme ! Arfff !
Long silence animalesque.
1er animal Faut-il ou non l’Homme ? Continuer l’Homme ? Poursuivre avec l’Homme ? Car le choix reste. Car ouvrant, lui, la porte pour voir à nouveau la lumière, si nous le trucidons alors, il ne la verra plus. Et nous, nous aurons la lumière et plus l’Homme !
Mais faut-il ? Le nous faut-il ? Car l’Homme passé, passé décomposé, qui de nous sur nous dominer voudra ? Et nous, compétionnant l’un l’autre, bataillant contre l’un l’autre, à celui qui voudra la nature pour sa fin ? Sa faim ? Goulûment sa faim ? A l’instar de l’Homme ! Ah ! L’Homme ! Star ! L’Homme-star a joué tous les rôles, laissons-lui celui-là qui lui a tant coûté ! Qui voudra celui-là, qui vaudra mieux que lui ?
Nenni ne l’imitons. Laissons-le, lui, laissons ! Et derrière lui Nature, poursuivant l’Homme, par delà l’Homme, son énigmatique dessein.
Pause.
Poursuivant l’Homme, par delà l’Homme, son énigmatique destin.