1992
Personnages | 1 femmes, 3 hommes et un chœur. |
Lieu | L’hiver 42. |
Durée de jeu | 1h00 |
Argument | En avril et mai 1942, dans la région de Caen, des trains allemands « transport de troupes » déraillent, faisant des dizaines de victimes. Les auteurs des attentats : des gens « sans histoire » devenus à leur corps défendant des « terroristes ». Dans une exigence de vie réclamant l’engagement au risque de la perdre, un retour aux sources de la tragédie. |
Cette pièce est publiée aux éditions espaces 34 (Montpellier).
Une réalisation radiophonique de Claude Guerre a été produite par France-Culture en 1995.
Notes de lecture
(…) A partir d’un fait d’histoire – l’une des premières actions de résistance contre les forces d’occupation – Jean Reinert développe une véritable tragédie antique, chaque tirade dénouant des rythmes et des musiques qui plongent le lecteur dans une atmosphère lancinante dont la mort serait le Choryphée silencieux.
Art Sud (Arles)
(…) A partir d’attentats qui ont eu lieu dans le Calvados les 16 avril et 1er mai 1942, à l’initiative d’un réseau de résistants constitué de gens « ordinaires » et qui firent plusieurs dizaines de morts parmi les allemands, Jean Reinert a voulu faire un retour aux sources de l’engagement et, par là-même, à celles de la tragédie. (…) Le style est concis, la formule à la fois sobre et riche en allusions, d’où un poème épique dans la tradition ; bref « une chanson de geste ».
A Contre Courant (Mulhouse)
Une page de texte
I
Andres
C’était au mois de Mai 1940 Où
Pour la dernière fois
Nous fûmes en notre pays
Depuis huit mois mon Lebel dormait entre mes mains
C’était la drôle de guerre
Ils nous avaient donné des jeux de cartes et des ballons pour tuer le temps derrière les lignes
Pas de pelles ni de pioches
Et maintenant la plaine était intacte entre les chars et nous
Pas un barbelé Pas un fossé
Pas une mine
Le lieutenant s’époumonait dans le téléphone de campagne
Les chefs étaient aux abonnés absents
La plaine était intacte entre les chars et nous
Nous nous sommes allongés en ligne sur le talus
Les Panzers grossissaient dans la ligne de mire
Ils se sont arrêtés à une portée d’obus
Les hommes là-bas
Ont déballé dans l’herbe fraîche leur ration de campagne
Elle était fraîche et joyeuse
Leur guerre
Pour nous le gris de la peur collait à notre peau
Nous disions à mi-voix
Faut-il mourir
Pour à peine écorcher le cuir de l’ennemi ?
Ou bien rendre les armes
Nous livrer à merci
Sans combattre
Quand les Stukas sont arrivés
Plus d’un est mort qui ne l’avait pas choisi
J’ai jeté mon arme dans un fourré et j’ai couru droit devant moi
Droit devant moi dans les chemins
Il y avait tout un peuple qui fuyait
Un peuple Le mien
Un peuple qui n’en était plus un
Un peuple qui avait perdu la mémoire de son nom
Un peuple à lui-même sans égards
J’ai passé sur ma chemise militaire la veste d’un mort
Des enfants comme en vacances m’ont indiqué la route
Aux carrefours D’autres soldats pleuraient
Je suis rentré auprès des miens