1
Toute vie est une façon
d’appréhender le Monde au travers du Temps.
Elle est un œil du Dragon-monde
ouvert sur ses possibles.
2
Il y a des milliards d’humains et des milliards de mondes
en leurs pensées particulières.
Chacune dessine l’Univers
à sa façon.
3
Aux yeux des hommes
l’Univers se déploie
comme un cerveau extravagant.
4
Il y a l’Être plutôt que rien.
Et puisqu’il y a l’Être,
il n’y a ni début, ni fin.
Le Temps est compté pour ce qui vit,
pas pour ce qui Est.
5
L’être vivant voit le monde
au travers du filtre du Temps,
c’est pourquoi il est l’objet du hasard.
6
L’humain chemine dans le monde
sur son tronçon de temps.
Il est comme le ver dans le fruit qui
croit que le fruit est le Monde
7
L’homme, tel un funambule sur le fil du Temps,
avance dans le chaos des aléas.
8
Les humains appellent Éternité
leur intuition de l’Être.
9
L’Être, étant,
n’a ni passé, ni futur :
il ne se conçoit qu’au présent.
L’Éternité est le présent de l’Être.
10
L’Être, sans début, ni fin,
n’a ni cause première, ni finalité.
Il est accomplissement du désir d’être.
11
Le désir d’être du Monde
s’épanouit en une arborescence,
un corail infini,
dans lequel s’inscrivent tous les possibles :
c’est l’Univers causal.
L’une de ses branches est la Vie
qui voit le Monde avec les yeux du Temps.
12
La Vie est programmée avec le Temps.
C’est pourquoi elle a
une vision dynamique du Monde.
13
Le Temps est comme un philtre animant la matière :
ainsi s’anime le monde aux yeux des hommes
ainsi advient la pulsation de la vie et la mort.
Derrière l’écran du Temps se déploie sans limites
l’arborescence de l’Univers causal.
14
La chaîne des causalités
est l’épine dorsale du Monde.
Elle adopte pour le vivant
le masque du Temps et le glaive de la fatalité !
15
Dans le théâtre du Monde,
la Vie joue une représentation dans les costumes du Temps
scénarisée par l’Univers causal.
16
Dans l’arborescence sans limite de l’Univers causal
des embranchements toujours poursuivent
la multiplication des possibles.
La Vie est l’une de ses branches, l’homme, un dernier rameau.
17
Pour l’Univers causal
l’humanité : naissance, vie et disparition,
est une expérience de pensée !
18
L’arborescence causale dont
chaque nœud est origine et fin
s’éploie infiniment en volutes
sur la sphère infinie/
fleur du désir d’Être.
19
L’infinité du Monde est celle de l’Univers causal.
20
La multiplication des possibles au sein de l’Univers causal
témoigne de la puissance du désir dans l’Être.
La Vie en est un rameau temporel,
l’Homme, une de ses brindilles.
21
L’Univers causal est comme
un organigramme du Monde.
22
L’arborescence causale n’a ni début, ni fin,
elle déploie l’infini de tous les possibles.
Les humains la ressentent
par le travers du Temps qui fait d’eux
les enfants de la nécessité.
23
L’homme comme tout le vivant
perçoit le Monde animé par le Temps
qui le pare à ses yeux de sa beauté mouvante.
Savoir sa finitude en est le prix,
le privilège.
24
La durée de l’espèce humaine dépend de l’aléa :
aléa dans la nature cosmique,
aléa dans la nature terrestre,
aléa découlant de sa propre nature.
Ce dernier est le plus problématique quant à sa longévité !
25
Dans le champ des possibles de l’Univers causal,
toute vie est comme une bille dans un jeu de billard.
26
Peut-il exister,
l’homme libre surfant sur l’écume du Temps ?
27
L’homme en veine de liberté
se faufile dans l’aléa
comme l’oiseau dans les turbulences de l’orage.
28
Il est sur le chemin de la liberté l’humain qui
arpente l’existence sans souci de la durée.
29
L’homme naît dans la nécessité.
La raison l’en affranchit.
La mort l’en libère.
30
L’être de raison se met au diapason du monde,
et s’allège d’autant de la nécessité.
31
Qu’il apprivoise sa mort celui qui aspire à une vie libre !
32
Chaque vie humaine est une étincelle éphémère
lancée de l’Univers causal
sur la robe chatoyante du Dragon-monde.
Elle est une note dans la polyphonie universelle
au sein de laquelle s’inscrit la partition des humains.
33
Il est un monde à portée d’homme
où les pensées, s’échafaudant l’une sur l’autre,
s’élèvent en une cathédrale cognitive.
34
L’humanité est une et indivisible.
Ses milliards de pensées sont autant de facettes
dans l’œil du Dragon-monde.
35
Une naissance, une germination, une éclosion,
est l’introduction par l’Univers causal
d’un vivant dans le Temps.
36
Pour le vivant la vie n’a qu’un temps
mais l’existence est éternelle.
37
La porte de sortie du Temps est la mort.
Nous, les vivants, sur notre tronçon de temps,
appelons ‘‘Éternité’’ le mystère de l’Être.
38
La Vie témoigne du désir de l’Être
au sein de l’Univers causal.
A l’instar de ce dernier,
la nature terrestre multiplie les possibles.
L’homme est l’un d’entre eux.
39
La Vie va comme une onde surgissant de l’inerte,
qui croît, s’épanouit, meurt et renaît.
Car le désir est immortel.
40
La Vie a germé sur la planète Terre,
la pensée a germé dans la Vie,
et avec elle, la pensée efficace.
Celle-ci, déjouant l’aléa,
crée de nouveaux possibles.
41
La pensée efficace est prise de conscience par la Vie
de l’Univers causal. La raison advient quand
la pensée efficace se pense elle-même.
42
Créature paradoxale, l’humain peut,
par la pensée efficace,
magnifier aussi bien que détruire
la vie sur la Terre.
43
L’oxygène a tué l’algue qui l’a produit.
La pensée efficace peut tuer l’humanité
en laquelle elle prospère.
44
Au service exclusif de l’égo humain,
la pensée efficace est un risque pour la Vie
que seule la raison peut conjurer.
45
L’humain est une possibilité du vivant.
Qu’il se pense un aboutissement, le fleuron d’une nature universelle,
est une erreur de perspective qui peut lui être fatale.
46
La vie terrestre, rameau temporel de l’arborescence causale,
est une efflorescence prolifique au flanc du Dragon-monde.
L’humain, son dernier drageon, y est devenu un fléau.
47
L’Homme s’est fait bourrasque sur la face de la Terre.
La bourrasque va passer,
la vie reprendra un cours nouveau.
48
Au regard du Dragon-monde, la durée de l’humain
est une séquence infime de l’Arbre de la Vie.
Ni passé, ni présent, ni futur ne s’y attachent.
Juste une efflorescence des possibles, un bouquet
de ce qui fut, est, sera l’homme.
49
Pour le vivant le désir est un effluve de l’Être.
50
Dans les possibles de l’homme
sont apparus les germes d’une plante prolifique,
généreuse et vénéneuse : le Verbe.
51
Le Verbe,
mettant le réel à distance,
nous ouvre au spectacle du monde.
52
Le réel pour les êtres vivants
est ce qu’ils voient du Monde
déroulé selon le fil du temps.
53
Immergés dans le réel vivent les plantes et les animaux.
Le langage le met à distance et ouvre aux humains
la porte du savoir/de l’erreur/du mensonge.
54
La perception donne accès au réel,
les mots permettent la connaissance,
les deux sont susceptibles d’illusion.
55
Il est une déesse intime et discrète
dont nous percevons tous la présence.
Pourtant personne ne la vénère : la vérité.
56
Irréductible aux mots est le réel :
c’est pourquoi la vérité est idéale.
Un idéal nécessaire
sans lequel l’humanité va chancelante.
57
La vérité est une disposition
qui peut se cultiver comme elle peut s’ignorer.
Sa germination est intime.
58
La vérité est unique, le mensonge multiple.
Quand le mensonge prolifère, la vérité est comme
une aiguille dans une meule de foin.
59
Chacun est dépositaire de sa vérité
dont il n’est redevable qu’à lui-même.
La reconnaître est l’affaire d’une vie.
60
Il y a un effort de vérité qui se fait
collectivement à l’échelle d’une société.
Son degré d’engagement ou de contamination par le mensonge,
témoigne de l’état de santé sociétal.
61
Secrète et redoutable, la Vérité est la déesse
dont la vision aveugle Œdipe et tue Jocaste.
La rechercher est un élan. La connaître, une charge.
La révéler, une action à risque. L’assumer,
la seule noblesse indiscutable.
62
Avec le Verbe la pensée efficace est devenue puissance
au sein de la vie terrestre.
Avec lui l’égo humain s’est dilaté.
63
Tel est le fardeau de l’égo que,
s’il surprend l’ange dans son vol,
il le précipite sur la terre.
64
L’avoir et l’égo, quand ils dominent l’esprit de l’homme,
sont ses tyrans préférés.
65
L’homme est multiple.
Des petits personnages s’agitent en lui,
piaillant, jacassant, célébrant
le culte de l’égo.
Qu’il s’en libère et respire !
66
Quand l’égo s’approprie le désir
il s’enfle et devient vorace.
Il induit sa conduite à l’homme
et fait de lui le but de ses passions :
avoir, pouvoir ou gloire.
Celles-ci sont sans fin,
l’homme devient leur esclave.
67
Les hommes devant les passions humaines,
-richesse, pouvoir et gloire-
sont comme papillons dans la nuit
qui brûlent leurs ailes aux bougies.
68
Ne gaspille pas ton désir
dans l’envie et la convoitise
car il est la vie-même.
69
Le désir est au cœur du Monde et la Vie est désir.
Le désir met pour l’homme le cœur du Monde
à sa portée.
70
Pour le vivant le désir est une émanation de l’Être.
71
Le désir du sexe s’accomplit dans l’amour.
Celui de l’avoir, ou de la gloire, ou du pouvoir,
est sans fin.
72
Gaspiller son désir dans la consommation,
c’est gaspiller sa vie.
A son stade actuel
la Société marchande détruit la vie terrestre
et gaspille celle des hommes.
73
Quand l’égo, l’avoir ou le pouvoir
s’emparent du désir,
c’est perte de vie.
74
La pensée efficace
introduit en puissance chaque humain
dans le champ mouvant de l’Univers causal.
Prenons garde de n’y être que rouages
assujettis à des égos hypertrophiés.
75
Il en est des égos comme des astres : passé une certaine masse,
ils engloutissent tout ce qui passe à leur portée
jusqu’à leur effondrement final.
76
L’égo hypertrophié gavé par son rapt sur le désir
à la première gifle du destin se vide comme une baudruche
et laisse l’humain désemparé
face à l’adversité.
77
Garde ton égo maigre.
Mesure-le au nécessaire
afin d’agir ta vie plutôt que la subir.
Et réserve ton désir à l’amour, au savoir, à la beauté !
78
Lorsque la beauté te saisit, passe, furtif
tel le frémissement ténu sous l’aile de l’ange
un effluve de l’Éternité.
79
L’amour,
la curiosité,
la soif de beauté, la soif de connaître,
nous mettent au diapason de l’Être.
80
L’orgasme, « la petite mort »,
est la microseconde de fusion avec l’Être.
La « grande mort » en est la fusion définitive.
81
La vie des vivants est brève mais
leur existence est éternelle.
82
Le désir de possession et l’égolâtrie sont
des maladies infantiles de l’humanité
qui peuvent lui être mortelles.
83
Le Monde « est » et ne possède pas.
C’est dans « l’être » que l’homme se libère
et dans l’avoir qu’il s’asservit.
84
‘Time is money’.
Le souci de l’avoir, tout comme celui du temps,
est une chaîne
dont il faut se défaire si
on aspire à la liberté.
85
Celui qui tire son avoir de la misère humaine
est comme un affamé qui tranche sa main
pour la manger.
86
Dans la survie comme dans la convoitise
le désir accapare la pensée :
le ploutocrate est en ceci semblable à l’affamé.
87
Avec la pensée efficace
l’humain a élargi le champ de ses possibles.
Il raréfie à présent
ceux de la nature terrestre.
Or les premiers ne sont féconds
que par l’existence des seconds.
88
Avec le numérique
l’augmentation virtuelle du nombre des possibles
prend une croissance telle
qu’elle apporte l’illusion qu’il remplacerait la Vie.
89
Quand le Verbe investit la pensée efficace,
les possibles de l’homme prolifèrent et
entrent en concurrence avec ceux de la vie terrestre.
Si le rameau homme
épuise le rameau vie auquel il se rattache,
assurée sera sa dessiccation.
90
Dans l’Arbre de la Vie, la causalité est
aussi bien fermeture qu’ouverture d’opportunités.
L’Homme, brillante rémige débordante de possibles,
peut aussi, en produisant leur inflation, provoquer sa perte
et disparaître dans le Temps.
91
De la même façon que le cancer mange l’homme de l’intérieur
l’espèce humaine détruit/dévore le jardin terrestre qu’elle habite.
C’est ainsi son propre univers des possibles
qu’elle s’applique à détruire.
C’est ainsi qu’elle travaille à son déclin,
son effacement.
92
Les mots ont séparé
les hommes de la nature. Ils leur ont donné,
grâce à la pensée efficace, un pouvoir sur elle.
Pourtant ce qui demeure de nature en eux
peut conduire à leur perte.
L’hubris serait-elle un piège de la nature terrestre
pour se débarrasser de l’homme quand
celui-ci se fait encombrant ?
93
Le Vivant, de la première cellule à la plus complexe créature,
respire par désir et témoigne ainsi
du désir de l’ Être.
L’humain peut en sa vie décliner le désir
en ses belles éclosions comme en ses tristes perversions.
94
L’égo/la pensée/le désir forment une triade par laquelle
se joue la destinée humaine.
95
Si l’égo et le désir de possession
subjuguent la pensée et l’emporte sur la raison,
l’humanité mourra
les yeux écarquillés sur l’énigme du monde.
96
Il n’y a d’avenir pour l’homme
que terrestre. La Terre est sa seule porte
d’entrée aux autres mondes.
97
A deux doigts du désastre l’humain est saisi par le désarroi.
Un vide nihiliste le confinera-t-il à son ornière ?
Alors qu’un pas de côté suffirait.
98
Qui sait ce que peut l’homme réalisant que la Terre
est à connaître et non à posséder ?
Que son art est à mesurer
à l’aulne de la nature terrestre ?
99
Quelque soit sa durée dans le Temps
l’Homme existe dans l’Éternité.
© Jean Reinert 2021/22